Sécurité vers un ABS pour tous  sur les vélos ?  

Frein vélo, vers un ABS pour tous ?

Le vélo à assistance électrique est-il en train de prendre un virage avec la commercialisation du système ABS. Ce dispositif de sécurité devenu obligatoire sur les voitures et les motos pourrait bien s’imposer sur les vélos.

Après l’avoir découvert à la soirée des lauréats de la Sécurité routière en mars 2024, nous avons pu essayer, au salon « Vélo in Paris », le modèle ABS de chez Bosch fait en collaboration avec Magura.

Quel cycliste n’a jamais eu peur de passer par-dessus le guidon de sa machine en cas de freinage d’urgence ? Porte d’un véhicule s’ouvrant brusquement, passage sur des pavés mouillés ou sur un terrain gras à cause de la pluie, les occasions d’être confronté au danger ne manquent pas. Danger qu’un système ABS, comme celui désormais proposé par Bosch pour les vélos à assistance électrique, permet d’éviter.

L’ABS vélo n’est pas une invention récente

L’industrie du cycle a depuis longtemps tenté d’imiter l’automobile mais jusqu’ici les solutions proposées n’ont pas rencontré le succès escompté. La faute sans doute à un équipement inadapté à la pratique ou trop contraignant à l’usage. Mais l’explosion du vélo électrique semble avoir changé la donne. Celui-ci rendrait l’installation des systèmes ABS plus facile et, par conséquent, favoriserait leur développement. En effet, le VAE est sur le point d’imposer une technologie certes pas nouvelle, mais étrangement absente des vélos jusqu’ici.

Blocage de la roue avant, relevage de la roue arrière…

Les études d’accidentologie en matière de vélo sont nombreuses et variées, mais toutes s’accordent sur un point : la majorité des accidents interviennent dans des situations de freinage. Ainsi, en vélo électrique, 58  % surviendraient lors d’un freinage et 39 % des chutes seraient causées par le blocage de la roue avant.

En effet, lors d’un blocage de la roue avant pour cause de freinage intensif, on constate généralement une perte d’adhérence (dérapage, voire glissade), et dans les cas les plus graves, le soulèvement de la roue arrière qui peut entraîner une chute par-dessus le guidon, ô combien redoutée par les cyclistes !

Pour éviter le phénomène de blocage de roues, l’industrie automobile a mis au point depuis plusieurs dizaines d’années un dispositif, devenu obligatoire depuis : l’ABS.

Son objectif : empêcher le blocage des roues et éviter toute perte d’adhérence. Ainsi, avec un meilleur contrôle du freinage, le risque d’accident est réduit. Il en serait de même aux poignées d’un guidon. En effet, selon une étude réalisée par Bosch, 29 % des accidents de vélo pourraient être évités si les cycles impliqués étaient équipés d’un système ABS.

L’ABS sur les vélos, ça fonctionne comment ?

Tout d’abord il faut savoir qu’il n’y a pas que Bosch présent sur le marché mais aussi Shimano qui se sert de la solution de Blubrake : un système antiblocage invisible dissimulé dans le cadre du vélo. L’entreprise Blubrake a été fondée en 2015 à Milan dans l’objectif de renforcer la sécurité des véhicules électriques, et SABS, qui a ses propres solutions dont une partie développée pour des freins à patins.

Le fonctionnement est assez similaire à celui des voitures. Pour éviter le blocage de la roue, le frein n’exerce pas une pression constante sur le disque, au contraire, il procède par plusieurs micros freinages successifs. C’est à cela que sert le boîtier d’ABS qui équipe ces nouveaux systèmes.

Les solutions divergent quelque peu d’un équipementier à un autre, mais ont généralement une base commune : un capteur de vitesse est placé sur les roues avant et arrière.

Il transmet ses informations à une unité centrale qui, elle, correspond avec un actionneur. L’interprétation des différentes données est propre à l’algorithme de chaque solution ABS, mais le résultat final est identique : en fonction de l’analyse des données récoltées, l’actionneur ajuste par intermittence et en temps réel la pression du frein avant et évite ainsi le blocage de la roue.

Les apports de l’ABS paraissent particulièrement intéressants dans le cas des VAE urbains et des vélos cargo. Les deux s’utilisent la plupart du temps en ville, là où les situations de freinage sont récurrentes. Le cargo ajoute à l’équation un facteur poids non négligeable.

Le cas particulier du VTT

Le cas le moins évident est celui du VTT où le mordant et le contrôle total sur les freins ont leur importance. Le système correspond certes mieux aux débutants, mais pas seulement. En VTT, il peut être nécessaire de bloquer la roue, mais principalement l’arrière, l’idéal reste de maintenir la roue avant en rotation. Si l’impact de l’ABS est moins évident sur un vélo de descente ou un trail, il n’en demeure pas moins intéressant. Des propos confirmés par Bosch qui pousse cette logique au point de développer des modes de freinage ABS spécifiques à chaque utilisation.

Le système de Bosch plus polyvalent, mais toujours visible se monte sur la fourche avant.

 

Pas une première pour Bosh

Bosh n’en est pas à sa première tentative pour imposer l’ABS sur les vélos. En effet, l’accessoiriste s’était plié à l’exercice en 2018, en s’associant (déjà) à Magura. Trop volumineux, le boîtier à placer sous le guidon n’avait pas rencontré le succès espéré. Mais le système semble être arrivé à maturité aujourd’hui, notamment parce qu’il a gagné en discrétion et en poids.

En effet, la nouvelle solution de Bosch consiste en un boîtier de 217 g fixé sur la fourche. Il contient le dispositif électronique, relié à un afficheur qui est présent de toute manière pour piloter l’assistance électrique, ce dernier est le cœur du dispositif, une sorte de cerveau qui va calculer en permanence (plus de 1 000 fois par seconde) le différentiel de vitesse entre la roue avant et la roue arrière.

Dès que la roue avant tourne moins vite que la roue arrière (supposant que le freinage avant a été actionné), le boîtier régule la force du freinage. Comment ? En injectant plus ou moins de liquide dans la durite du frein. Parallèlement, les mâchoires de frein vont adapter leur étreinte, évitant que la roue ne se bloque.

L’afficheur : le système ABS a besoin d’énergie pour fonctionner. De fait, il est possible de se demander si son utilisation peut réduire l’autonomie d’un VAE. Bien évidemment, il est impossible de quantifier précisément l’impact de l’ABS sur la batterie dans la mesure où il est difficile, voire illusoire, de prédire le nombre de fois où celui-ci va s’activer. Qui sait à l’avance combien de freinages d’urgence il aura à effectuer sur son trajet ?

L’impact sur l’autonomie est assez faible dans la mesure où le système ABS ne sollicite la batterie que quelques millisecondes, lorsqu’il s’active. Sa consommation est d’environ 100 W mais sur des intervalles très courts, ce qui réduit son impact sur la batterie. L’accessoiriste allemand précise également qu’au même titre que l’éclairage, l’ABS fait partie des fonctionnalités pour lesquelles les batteries gardent une réserve d’énergie.

Dans le cadre des optiques, on considère par exemple que lorsqu’on arrive à court de batterie, celles-ci peuvent encore fonctionner deux heures, approximativement. L’ABS étant considéré comme essentiel à la sécurité au même titre que l’éclairage, il bénéficie du même avantage.

L’ABS est-il réservé aux cyclistes débutants ?

Comme d’autres évolutions techniques par le passé, l’ABS est parfois taxé d’être un dispositif réservé aux débutants. Bien qu’il s’agisse effectivement d’une assistance au freinage, elle n’est pas seulement utile à ceux qui découvrent ou qui reprennent le vélo après plusieurs années. Il s’agit certes d’une technologie qui permet de rassurer l’utilisateur, mais elle peut être utile au plus grand nombre. Même les cyclistes confirmés sont parfois contraints de réaliser des freinages d’urgence pour éviter un obstacle ou une collision !

Est-il possible d’ajouter un système ABS sur un ancien VAE ?

Avec un système tel que l’ABS la question du kit se pose comme une évidence. En d’autres termes, les systèmes antiblocages de roue actuels peuvent-ils être adaptés sur des VAE plus anciens ? En théorie, rien n’empêche de monter un kit ABS à partir du moment où le vélo dispose de freins à disques. Ça, c’est pour la théorie. Dans les faits, cette pratique est tout simplement interdite dans la mesure où elle remettrait en question l’homologation du vélo, comme pour les kits VAE.  

Quel est le prix d’un système ABS ? Fait-il flamber le tarif du vélo ?

Les systèmes d’ABS ne pouvant être vendus seuls, leur prix est fixé par le fabricant. Pour avoir un aperçu du surcoût lié à cet équipement, il suffit de regarder le prix de vente d’un même modèle lorsqu’il est équipé d’un ABS ou non. Après un léger comparatif, nous pensons raisonnable d’affirmer que le prix d’un système antiblocage de roue se situe entre 400 € et 500 € en fonction de la solution, ce qui est loin d’être anecdotique.

Ce chiffre est à mettre en corrélation avec le prix d’achat moyen d’un vélo en France (environ 2 000 €). Il s’agit d’un surcoût important, certes, mais il a deux vertus difficiles à quantifier : il rend le VAE plus accessible aux débutants ; il améliore la sécurité (voire peut sauver des vies).
Texte et photos : Denis Vitiel, président de la commission nationale Sécurité
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